« Franchement, au pic de la crise, on n'en menait pas large. Tout était aux limites. Tu voyais un malade jeune et bien le matin, envoyé en réa l’après-midi, balayé en 48h. Balayé ». « Nous avons du tout bousculer. Dans nos métiers [kinés, ergothérapeutes, orthoptistes, orthophonistes], mal reconnus, il y a aussi une large part à l’émotionnel. Des rééducateurs qui n’avaient jamais vu des patients dans un tel état de délabrement : des poupées en chiffon. Et nous n’avons jamais aussi bien travaillé ».
« Aujourd’hui, avec le codage des actes, nous sommes rémunérés comme dans une entreprise. Conséquence : il y a un tri parmi les patients, bien sûr. J’espère qu’ils vont revenir là-dessus ».
La Covid nous a tous bousculé. Elle nous touche encore : ce n’est pas une petite crise passagère, nous allons devoir vivre longtemps avec.
Les premiers atteints de plein fouet ont été les personnels soignants dans les hôpitaux. Mal considérés, mal rémunérés, ils devaient se débattre tous les jours avec une administration centrée sur le contrôle, les tableaux et le reporting. D’un coup la vague est arrivée, alors qu’ils étaient déjà dans un état critique, dénoncé dans 10 rapports.
Et ils ont tenu, sauvant des milliers et des milliers de personnes.
Deux questions se posent.
La première : comment ont-ils fait ?
Concrètement, bousculer les règles pour pouvoir bien faire son travail, cela veut dire quoi, cela a quelles conséquences ?
Et, seconde question, est-ce que tout va revenir comme avant ? Ou est-ce que ce que les personnels soignants ont inventé pendant ces mois de crise aigüe va déboucher sur des changements réels dans l’organisation de leur travail, dans la reconnaissance de l’importance du travail fait, de la qualité de ce travail, dans la confiance.
Ces questions ne concernent pas que le monde de la santé et du soin. Dans des organisations et des entreprises, gangrénées par la défiance envers les professionnels et l’obsession du contrôle, la phrase : « Nous n’avons jamais aussi bien travaillé » résonne très fort.
Aussi l’UODC est très heureuse que Pascale Debonnaire ait accepté de partager son expérience et sa réflexion avec nous. Grande professionnelle, elle dirige l’équipe de 60 rééducateurs d’un grand hôpital de l’AP-HP, l'hôpital Bicêtre. Elle a vécu avec son équipe le pic de la vague commencée au mois de mars, elle se prépare à la seconde. Elle a vu et organisé les changements qui ont permis aux soignants de tenir, aux malades d’être bien pris en charge.
Masseur-kinésithérapeute de formation, Pascale Debonnaire a une longue expérience de cadre de santé rééducateur débutée en 2006 au Centre Hospitalier de Longjumeau.
Elle est aujourd'hui, à l'hôpital Bicêtre AP-HP, responsable des équipes de rééducation adultes de BROCA, de neurologie, du SRPR (soins de réadaptation post réanimation), FBS (unité de soins de réadaptation, médecine interne, unité de gériatrie aiguë, rhumatologie), de l'équipe des diététiciennes adultes et pédiatrie, et de l'équipe de la biberonnerie.
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Crédits
Amphi débat du 25/09/2020
Date d'édition : 25/09/2020
Durée : 00:55:26
Programmation et animation : Jean Besançon, directeur de l'Uodc
Réalisation et édition : Pierre Cécile
Prise de vue : Enregistrement vidéo issu de la plateforme de visioconférence Zoom
© Pratiques & Stratégies - septembre 2020 - reproduction interdite