Anne Fretel Économiste, Maître de Conférences à l'Université Lille 1 L’entreprise ne sait pas bien recruter. Et cela d’autant plus qu'elle est petite. C’est un peu fâcheux : ce sont d’abord les petites entreprises qui créent l’emploi en France...
Ne pas bien savoir recruter a des conséquences redoutables. La crainte est telle de mal recruter, de se voir immanquablement proposer des profils inadaptés, que de très nombreux chefs d’entreprise finissent par renoncer à recruter. Mais alors qui pourrait les aider à le faire ? Et comment ?
La principale cause du chômage est triviale : c’est le manque d’emplois au regard de la demande.
À cela s’ajoute une difficulté propre à la France : le manque de compétences minimales au travail de nombreux (jeunes) demandeurs d’emplois. Notre système éducatif fait que 12 à 15% des jeunes se trouvent en difficulté sérieuse de lecture à l’entrée en 6ème. Et il a « produit », pendant des années, 150 000 jeunes par an ( ! ) sans aucun diplôme ni qualification (cf. les enquêtes du Céreq). Cette bombe sociale ne se résout que très lentement et n’en finit pas d’exercer ses effets dévastateurs.
Dans ce contexte, par où pourrait-on agir maintenant de manière efficace sur le front du manque d’emploi, de la difficulté à appairer offre latente et demande ? En sachant qu’aujourd’hui, la majorité des recrutements ayant abouti (56%) se font par des canaux informels.
Anne Fretel est une économiste passionnante. Elle montre que les petites entreprises pourraient largement plus recruter en France, si elles étaient mieux accompagnées pour le faire.
Ce qu’Anne Fretel révèle par ses recherches, c’est que beaucoup de petites entreprises ont des projets de développement, mais hésitent et - souvent - renoncent à embaucher. Parce qu’elles ne savent comment s’y prendre, ce n’est pas leur métier. Parce que le parcours pour recruter la bonne personne est hasardeux, semé d’échecs coûteux en temps et en argent.
Mais si les intermédiaires (à commencer par Pôle Emploi) s’intéressaient d’abord à comprendre les besoins de l’entreprise, à capter ses besoins de recrutement, avant de rechercher des « offres », toutes constituées ?
Aussi, Anne Fretel travaille notamment sur deux questions cruciales : qui pourrait aider les petites entreprises à recruter plus, à recruter mieux ? Et comment pourrait-on les aider ?
Elle ne prétend pas avoir trouvé « la » solution, la martingale théorique et pratique permettant de résoudre toutes les difficultés d’accompagnement des entreprises dans leurs questions d’embauche. Mais les pistes neuves qu’elle trace sont passionnantes.
Et l’UODC est très heureuse d’ouvrir la saison 2019-2020 avec des réflexions aussi stimulantes sur la question sociale clé de l’accompagnement.
Jean Besançon
Directeur de l’UODC
L'intervenante :
Anne Fretel conduit ses recherches au Clersé (Centre lillois d’études et de recherches économiques et sociologiques). Celles-ci portent d'une part sur les politiques d'emploi - notamment sur les politiques d'insertion et le rôle des intermédiaires -; et d'autre part sur l'économie sociale et solidaire à travers un éclairage historique et d'histoire des idées.
Anne Fretel est également chercheure associée à l’IRES depuis 2012. Ses domaines de spécialité sont l'histoire des idées en économie sociale et l’économie du travail et de l’emploi. Ses derniers travaux portent sur la question de l’accompagnement et des formes d’intermédiation opérés par les acteurs du SPE (service public de l’emploi).
Ses publications récentes