
Que faisons-nous au monde ? Au centre de cette interrogation anxieuse, aux dimensions écologiques, sociales et existentielles, trône « le travail ». Pilier de notre société, il est dans toutes les bouches, que ce soit pour en vanter la valeur ou le conspuer, souhaiter son extension, sa transformation ou sa disparition. Dans ces débats passionnés, nous peinons cependant à nous accorder sur ce qu’il désigne. Par exemple, peut-on dire qu’une aidante familiale, un stagiaire, un youtubeur, une bénévole, un chien d’aveugle, un manager placardisé, un algorithme, un inconscient, une somme d’argent ou encore une vache laitière « travaillent » ?
Ce livre offre de regarder « le travail » en tant que catégorie de la pensée et de la pratique, historiquement construite. En dix siècles, le mot a pris trois significations principales dans les usages ordinaires, scientifiques et institutionnels. Il a servi à désigner la peine que l’on se donne pour produire des choses utiles, dans le cadre d’un emploi dont on peut vivre.
Or la société actuelle regorge de pratiques qui désarticulent l’activité, la production utile et l’emploi rémunéré. Le trouble est donc jeté sur la catégorie de pensée « travail », mettant en question la valeur qui lui est accolée et les institutions qui portent son nom.
Sociologue, Marie-Anne Dujarier est professeure de sociologie à l’Université de Paris (site Diderot), chercheure au LCSP et associée au LISE (CNAM /CNRS). Elle est l’auteure de livres remarqués tels que L’Idéal au travail (Puf, 2006; 2e édition, coll. « Quadrige », 2018), Le travail du consommateur (La Découverte, 2014) et Le management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres du travail (La Découverte, 2016)...