Pas de formateurs, pas de cours, pas de diplôme ? Au pays de Jules Ferry, ce que propose l’École 42 paraît une pure provocation. Et pourtant ? Elle tourne.
En 1971, toujours au pays de Jules Ferry, le simple titre du livre d’Ivan Illich - Une société sans école - (Ed. du Seuil, Paris. Titre original : Deschooling society) fait scandale. Très peu comprennent qu’Ivan Illich, cherchant les voies d'une éducation véritable pour tous, propose de remplacer l’école traditionnelle par des institutions très originales, tournées vers l’apprentissage et la réussite de tous. Car Illich sait bien qu'il n'y a pas d'éducation, de transmission culturelle et professionnelle sans institution.Pourquoi parler d’Ivan Illich pour présenter l’intervention de Sophie Viger, la très étonnante directrice de l’École 42 ?
Parce que cette école a elle aussi tout de suite fait scandale dans de nombreux milieux autorisés de l’éducation et de la formation. Et qu’elle a quelques liens avec ce que ce très grand penseur avait imaginé il y a 50 ans.
D’abord, péché originel, elle est certes totalement gratuite mais elle a été créée en 2013 par un milliardaire : Xavier Niel, 12ème fortune française.
Il n’y a pas de condition de diplôme, pas de limite d’âge, mais la sélection à l’entrée est redoutable. Il n’y a pas de diplôme, certes, mais il n’y aurait pas de formateurs ? C’est à vérifier : ils sont peut-être là, mais sans doute pas en face des étudiant.e.s.
Mais surtout, l’École 42 est certes une école de geeks, mais elle ne tombe pas du ciel. Elle paraît bien inspirée par le courant initié il y a plus d’un siècle par John Dewey et le learning by doing, finement remis en perspective par un chercheur aussi justement réputé que Patrick Mayen dans un article récent écrit avec Joris Thievenaz.
Illich pensait il y a 50 ans la puissance offerte par le partage des ressources et les réseaux d’échanges entre pairs. Comme Internet n’avait pas encore été inventé, il imagine des solutions pour développer l'accessibilité aux différentes ressources culturelles, de la circulation de bandes magnétiques au cheminement de centaines de milliers de "mulets à trois roues" sur les pistes du tiers monde... Ses préoccupations croisent celles de pionniers européens comme Maria Montessori ou Célestin Freinet.
Alors, en 2021, qu’en est-il véritablement des pratiques à l’École 42 ? Quels en sont les résultats, au plan de l’insertion dans le métier bien sûr, mais aussi de la formation humaine, des valeurs transmises, du respect de l’autre ?
Cette question intéresse d’autant plus l’UODC que l’École 42 est en train d’essaimer à grande vitesse, avec le projet de 29 campus ouverts dans de nombreux pays : France bien sûr, mais aussi Belgique, Maroc, Finlande, Pays-Bas, Russie, Brésil, Arménie, Japon, Espagne, Canada, Italie, Portugal, Thaïlande, Allemagne, Jordanie, Malaisie, Australie, Abu Dhabi.
Nous sommes très heureux que Sophie Viger ait accepté notre invitation à un amphi débat qui fut aussi passionnant que tonique.
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Sophie Viger, très engagée dans des sujets sociaux, est membre de nombreuses ONG.
Elle est aussi une passionnée de culture geek depuis sa plus tendre enfance. Elle est parmi les premières joueuses de jeux de rôle en France en 1981 et se voit la même année, à 7 ans, offrir un ZX-81. Elle apprend ensuite, à l’école, à 10 ans, le langage de programmation BASIC et se prend de passion pour toutes sortes de jeux (vidéos, plateaux, réflexion, etc.) et pour les univers de la science-fiction et de l’heroic fantasy.
Grande partisane de la pédagogie par projets, Sophie Viger a été développeuse indépendante, professeure de programmation informatique, directrice de la Web@cadémie, du Samsung Campus et de la Coding Academy by Epitech. Elle est à l’origine de la première formation au développement informatique « ambition féminine » en 2016 constituée de 80% de femmes. Elle est également administratrice de #JamaisSansElles.
Il y avait donc du sens pour elle de rejoindre l’École 42 en 2018 et de mettre en avant non seulement les compétences techniques des étudiantes et des étudiants de 42, mais aussi des qualités recherchées aujourd’hui comme l’éthique, le sens critique, la créativité ou encore l’empathie.
L'École 42 :
42 est la première formation en informatique entièrement gratuite, ouverte à toutes et à tous sans condition de diplôme et accessible dès 18 ans. Sa pédagogie est basée sur le peer-to-peer learning : un fonctionnement participatif, sans cours, sans professeur, qui permet aux étudiant(e)s de libérer toute leur créativité grâce à l’apprentissage par projets.
42 a été fondée à l’initiative de Xavier Niel en 2013 alors que l’industrie du numérique en France subissait une importante pénurie de développeurs informatiques. Pour former en grand nombre les meilleurs talents de demain, l’établissement met à disposition les meilleures infrastructures dans des lieux innovants et modernes à Paris et Fremont (Silicon Valley).
Et depuis peu, 42 s’est lancé à l’international avec 29 campus pour 2020 dont 4 en France, Belgique, Maroc, Finlande, Pays-Bas, Russie, Brésil, Arménie, Japon, Espagne, Canada, Italie, Portugal, Thaïlande, Allemagne, Jordanie, Malaisie, Australie, Abu Dhabi.
La presse en parle :
- « L’école 42 de Xavier Niel vise 50 campus d’ici 2025. Entretien avec Sophie Viger », Heloïse Pons, Maddyness, janvier 2021
- « Sophie Viger, La Développeuse Numéro Un De 42 », Maurice Midena, Forbes France, octobre 2020
- « École 42 : Le peer to peer learning, ça fonctionne », Michel de Chavanon, L’1FO, octobre 2020
- « La Tech Et Les Femmes, Une Alliance Efficace Selon Sophie Viger », Maurice Midena, Forbes France, mars 2020
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Crédits
Amphi débat du 03/03/2021
Date d'édition : 09/04/2021
Durée : 1:07:06
Programmation et animation : Jean Besançon, directeur de l'UODC
Réalisation et édition : Pierre Cécile
Prise de vue : Enregistrement vidéo issu de la plateforme de visioconférence Zoom
© Pratiques & Stratégies - avril 2021 - reproduction interdite